Anticipé comme un relais pris du " Traité théologico-politique " de Spinoza, le livre de Jacques Derrida sur ce sujet ne paraîtra jamais, puisque son auteur en avait précisément rendu l'écriture impossible. Il avait, en effet, porté à des extrémités imprévues les entames déconstructivistes déjà pratiquées par Spinoza dans le " corpus " des Écritures et par le recours qu'il avait fait à la raison, afin que les citoyens des États modernes jouissent d'une meilleure vie. Abordant à son tour ce sujet, Derrida l'avait fait d'une façon telle qu'un ouvrage définitif sur le théologico-politique serait désormais impossible à écrire, sauf à prendre la forme d'un entretien en quelque sorte infini... " Plus d'une voix ", ce sont donc, au moins, celles des auteurs, emmêlées (confondues parfois), entrecroisées autour de celle de Jacques Derrida lui-même. Ou de son fantôme. Qui se fait entendre par l'abondance des citations découpées, mais encore vivantes, du corps de son " œuvre ". Dans ce concert de citations, explicites ou dissimulées, il ne s'agit pas de l'agitation de disciples ensorcelés par la voix de leur maître, mais plutôt de l'exploration, de la discussion ou de la conversation entre un mort et des vivants, entre des morts et des vivants. La mise en scène est celle d'un cercle, de justice ou autre, les palabres d'une petite démocratie à quelques-uns, faite, comme c'est normal dans ce régime politique, d'interrogations parfois sans réponses, et de réponses parfois suspendues en cours de formulation. -- Despite being awaited as a relay for Spinoza's 'Tractatus Theologico-Politicus', Jacques Derrida's book on the subject was never to appear because its author had rendered its writing well-nigh impossible. Because he had in fact taken to unforeseen limits the deconstructivist forays already carried out by Spinoza into the 'corpus' of the Scriptures, and resorted to reason, so that the citizens of the modern States might enjoy a better life. Derrida approached this subject in such a way that a definitive volume on theological-politics would henceforth be impossible to write, except in the form of a somewhat endless interview... The voices in the title refer to those of the authors, entangled (sometimes trapped) and interlaced with that of Jacques Derrida himself - or that of his ghost, making itself heard through the generous amount of truncated, but very much alive, quotations from the body of his œuvre. This concert of explicit or concealed quotations is not the fact of excited disciples bewitched by their master's voice but of an exploration, discussion and conversation between a dead man and the living, between the dead and the living. The setting is that of a circle, of judgement or for other purposes, the endless discussions of a little democracy composed of a handful of people and discussing - as is normal in such a political set-up - questions that occasionally have no answers, and answers that sometimes remain suspended in mid-formulation.