Dans les deux traités Sur la quantité et Sur le corps du Christ, Guillaume d'Ockham (1285-1347), philosophe anglais connu pour son nominalisme, répond à des détracteurs qui l’accusent de défendre des thèses métaphysiques incompatibles avec la doctrine catholique de la présence réelle du corps du Christ dans l’hostie lors du sacrement de l’Eucharistie. Le sujet est brûlant : on lui oppose les accusations que Richard de Médiavilla (1249-1302) a portées contre Pierre de Jean Olivi (1248-1298), théologien dissident dont les écrits ont été interdits par l’ordre franciscain.Dans ces deux écrits théologiques, dont nous proposons la première traduction depuis leur édition critique, Ockham affirme que la thèse réductionniste qu’il soutient, selon laquelle la quantité n’est pas réellement distincte de la substance ou de la qualité, est philosophiquement défendable. Plus encore, sa valeur explicative est plus grande que celle de la thèse de ses adversaires réalistes, au premier rang desquels il place Thomas d’Aquin et Jean Duns Scot. Enfin, il montre que rien, dans le Droit Canon ni dans la Bible, ne le contraint à renoncer à sa thèse réductionniste.Ockham lègue ainsi à la postérité deux traités d’une importance cruciale pour l’histoire des sciences (sa position sur la structure du continu sera discutée jusqu’à la fin du Moyen Âge) et pour l’histoire des théologies de l’Eucharistie (son interprétation de ce sacrement sera à l’origine d’une tradition nominaliste, qui sera représentée jusqu’à Luther). Magali Roques est docteur en philosophie, post-doctorante à la Chaire de Recherche du Canada en Théorie de la Connaissance et membre associée du Centre d’Études Supérieures de la Renaissance. Ses travaux portent sur la pensée nominaliste du Moyen Âge et de la Renaissance.