Dans le paysage de la littérature française contemporaine, Annie Ernaux occupe une place de tout premier plan, par son abondante production d'abord; parce qu'elle a été récompensée par de nombreux prix et scientifiquement commentée ensuite; parce qu'elle réalise ce paradoxe d'être tantôt encensée ou calomniée – en raison de sa trop grande popularité; enfin, par son étrange revendication de « rester », selon ses propres termes, « d'une certaine façon, au-dessous de la littérature ».
Les diverses contributions ici rassemblées l'ont été à l'occasion d'une journée Ernaux, à l'université de Liège: elles furent produites peu après la parution des Années. Elles esquissent quelques lignes de force dessinant, chez l'auteur, un imaginaire entre dépossession et accumulation saturante; elles ne cessent d'interroger, de livre en livre, le passage du passé, son affleurement dans des moments ressuscités, qui semblent conjuguer insignifiance des faits relatés et intensité vibrante des évocations du « jamais plus »; elles pointent, enfin, la force agissante, structurante et destructrice du social dans ce que nous pensions intime ou personnel.