Pendant les premiers siècles de l'Église, la croyance eucharistique est restée une possession immuable et réaliste. Au Moyen Âge, Bérenger de Tours le premier a mis en doute la présence réelle, la réalité de la présence du Christ – son âme, son corps, sa divinité – dans les hosties consacrées. D'où la réplique des théologiens dogmatiques sous la forme d'une physique accentuant le réalisme de la présence eucharistique souvent en termes excessifs. Descartes a mis fin à la physique eucharistique et l'a remplacée par une véritable philosophie eucharistique qui montre l'adaptation de son système et de sa " théologie blanche " à la présence réelle et au sort miraculeux des espèces. Désormais, les philosophies eucharistiques se préoccupent surtout du sort des espèces. Elles sont l'enjeu et le fil rouge des théories eucharistiques, dont la plus célèbre, la plus fouillée, est celle de Leibniz, en correspondance avec Bossuet, puis en discussion serrée avec le jésuite Des Bosses. De la controverse a surgi l'idée de lien substantiel, que Blondel devait reprendre deux siècles plus tard. Il faut considérer comme des intermèdes les querelles protestantes, qui ne font guère avancer l'énigme et la solution ; de même, du côté catholique, la tentative théosophique de Franz Baader ne scrute pas le fond de la question, conversion du pain et du vin en corps et sang, transfert et non adduction – permanence des espèces. Toutefois, le XVIIe siècle, malgré la rigueur janséniste, mais sous la pression de Pascal, de l'École française et de la dévotion au Sacré-Cœur voit s'infléchir la théologie sacramentelle et engendre la dévotion au saint sacrement de l'autel. C'est ensuite la belle et émouvante spiritualité christique du XIXe siècle qui retentit sur la théologie de l'eucharistie et permet à Maurice Blondel, lecteur du P. Faber et de Mgr Gay, d'ébaucher une philosophie eucharistique qui est comme le canevas et le modèle de sa " métaphysique de la charité ". Les temps étaient mûrs pour l'essor des " Missarum solemnia " et de la communion fréquente, une inflexion divine du saint sacrifice et de la communion promulguée par saint Pie X. -- During the Church's first centuries, Eucharistic belief remained an unchanging and realistic possession. In the Middle Ages, Bérenger de Tours first expressed doubt about the real presence - the reality of Christ's presence: his soul, his body, his divinity – in the sacred host. Then followed the theologians' dogmatic retort in the form of a physical treatise insisting on the reality of the Eucharistic presence, often in exaggerated terms. Descartes put an end to Eucharistic physics and replaced it by a true Eucharistic philosophy that reveals the adaptation of his system and his "white theology' to the real presence and the miraculous fate of the species. From then on, Eucharistic philosophies focussed above all on the fate of the species – for that was what was at stake. In the 17th century, in spite of Jansenist rigour, the French School and the devotion at Sacré-Cœur saw sacramental theology soften. Then came the beautiful and moving Christic spirituality of the 19th century, which influenced the theology of the Eucharist and allowed Maurice Blondel to sketch out a Eucharistic philosophy that resembles the framework and the model of his "metaphysics of charity'. The time was right for the rapid development of "Missarum solemnia' and frequent communion, a divine reorientation of the holy sacrifice and communion promulgated by Saint Pius X.