Les Theoremata d'esse et essentia (ca 1278-1285), qui, en dépit d'une édition critique déjà ancienne (Hocedez, 1930), n'avaient pas encore été traduits intégralement en français à ce jour, apparaissent comme l’œuvre majeure pour bien saisir la genèse doctrinale et conceptuelle de la théorie de la distinction réelle. Peu de temps avant les Questions disputées sur l’être et l’essence (1286-1287), qui sont au cœur du débat entre Gilles de Rome (ca 1245-1316), partisan d’une distinction réelle entre l’être et l’essence, et Henri de Gand (ca 1217-1293), promoteur d’une théorie de la distinction « intentionnelle », les Théorèmes apparaissent comme un essai de synthèse, dans lequel le maître augustin donne un exposé d’ensemble des arguments qui le conduisent à faire de l’être une res (« chose » au sens de « réalité ») à part entière. Dans ces conditions, les disciples de Thomas d’Aquin (ca 1224-1274) n’ont pas manqué de voir, en Gilles, l’un des partisans d’une thèse qu’ils revendiquaient comme un héritage de l’Aquinate. Les Théorèmes révèlent cependant une pensée incontestablement personnelle, et manifestent le caractère résolument original de Gilles de Rome, métaphysicien incontournable du XIIIe siècle finissant.