«Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Et que disaient-ils ? Le maître ne disait rien, et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.»
D’entrée de jeu, c’est sous le signe de l’incertitude et de l’ironie que Diderot place le roman qu’il publie de 1778 à 1780. Jacques et son maître devisent en voyageant, mais bientôt le récit des amours de Jacques s’interrompt, ouvre à d’autres histoires et à d’autres rencontres dans ce livre admirablement virtuose où la parole circule de narrateur en narrateur. La parole, mais aussi bien la réflexion sur notre liberté et sur le fatalisme qui fait de Jacques un manuel de gai savoir en même temps que ce roman toujours neuf dont l’esthétique de la rupture, de la provocation et du rebond fonde encore la modernité.