Roland Barthes demandait ce qui pouvait bien se trouver au centre de ce cercle qu'est Dichterliebe, le plus fameux des cycles de Lieder schumanniens — qu'il considérait comme « une suite pure d'interruptions ». On découvre ici l'extraordinaire réseau de relations de toutes sortes qui relient entre eux ces joyaux musicaux, en premier lieu la forte charpente organisant leur périple. On découvre surtout qu'il ne s'agit pas seulement d'un prodige de la forme, mais que celle-ci (comme toute structure musicale réussie) exprime un « mouvement de l'âme » d'une exceptionnelle intensité. Parti de la douloureuse expérience du jeune Heine, dont il concentre cependant les échos poétiques avec un art consommé, c'est, semble-t-il, toute sa propre vie, passée et future, que Schumann met en scène, en un processus initiatique et thérapeutique qui fait penser à l'alchimie sous ses aspects spirituels. Ainsi parvient-il, anticipativement, à transcender de mortelles souffrances et à nous offrir le plus précieux des talismans.