Jean Froissart nous conte dans ce roman courtois, composé entre 1365 et 1372 et inséré dans les manuscrits de ses poèmes, les vicissitudes de son premier amour. Développant des digressions d'ordre mythologique ou insérant dans la trame de son récit des poésies lyriques de genres et de longueurs variables, il étoffe ainsi un sujet qui paraît au premier abord chargé de peu de matières. L'insertion de ces sortes d'interludes (qui représentent plus du tiers de l'ouvrage) ne manque pas d'habileté, car si ces poèmes interrompent le cours du roman, ils s'y greffent assez vigoureusement pour en accroître par leur contenu la résonance psychologique.
Froissart, il est vrai, n'a rien inventé sous ce rapport, puisque cette formule remonte à Jean Renart, c'est-à-dire au premier tiers du XIIIe siècle, et que depuis Jean Renart très nombreux furent les romanciers qui l'employèrent. Il s'inspire d'ailleurs directement de Guillaume de Machaut allant même parfois jusqu'à l'emprunt littéral au Roman de la Rose.
Mais plus que ses devanciers, Froissart a d'instinct le goût de l'observation et du tableau pittoresque (le chroniqueur le prouve) et L'Espinette amoureuse offre précisément l'avantage de mêler en un dosage habile la veine d'emprunt et la veine originale.