La flagellation fait partie de l'histoire spirituelle du christianisme. Elle perdure encore en certains lieux, notamment dans un village du nord de l'Espagne. Or cette pratique, qui semble vouloir se passer de mots, choque aujourd'hui et heurte des sentiments secrets, profondément enfouis. Histoire, théologie et psychanalyse se risquent alors à faire parler ces gestes qui mettent en scène une chair volontairement meurtrie. Pour quelles raisons obscures ? L'enquête historique remonte d'abord aux sources lointaines de l'autoflagellation. Partant de Pierre Damien, en passant par les groupes de flagellants du XIVe siècle, Jean Gerson, Henri III, la querelle entre jésuites et protestants, l'auteur précise comment la flagellation s'est mue en " discipline ". C'est plus tard que sa dimension sexuelle fut relevée (à moins qu'il ne faille dire : mise en place), provoquant la critique mordante de l'abbé Boileau. De ce fait, au moment où la " discipline " s'est répandue comme pratique courante dans les couvents et chez certains laïcs pieux, la théologie s'en est de plus en plus désintéressée. C'est la sexologie qui l'a retrouvée, la choisissant comme modèle pour élaborer la notion de masochisme. Puis, Freud a pressenti qu'il y avait là une donnée fondamentale concernant la construction de l'identité personnelle, bien qu'il n'ait pas réussi à aller jusqu'au bout de son intuition. Le récit historique met ainsi au jour tout un cortège de fantasmes et d'argumentations que la spiritualité de la Passion a instillés dans notre culture. " La Chair de la Passion " bouscule les vignettes psychanalytiques trop simples et invite à une réflexion renouvelée sur le vécu occidental du corps humain.