La République romaine meurt, mais ne se rend pas vite : il faut à Appien les cinq livres des Guerres civiles pour raconter sa longue agonie. Le livre III se termine par la blessure mortelle qu'en août 43 lui inflige Octave, quand il force Rome à l'élire consul. Le livre IV s'ouvre sur ce qui ressemble à un coup de grâce, l'instauration du Triumvirat. Octave, Antoine et Lépide s'octroient tous les pouvoirs et procèdent à une nouvelle « proscription » : la liste des individus à décapiter contre récompense est affichée et toute solidarité avec eux interdite. Contre les massacreurs, les proscrits inventent des cachettes, des moyens de fuir, ou bien meurent, parfois crânement. Le courage de leurs proches, voire de leurs esclaves, en sauve certains. Lâcheté, trahison et cruauté se donnent libre cours, mais la République vit encore. Sextus Pompée contrôle la Sicile et dirige une flotte. Brutus et Cassius, chefs du complot contre César, ont rassemblé des armées considérables et sont maîtres des riches provinces de l'Orient grec, alors que les triumvirs ne tirent rien de l'Italie et de l'Occident, exsangues. La lutte finale a lieu à l'automne 42, à Philippes, au nord de la Grèce.
Appien évoque d'abord cette période de sang et de fureur par une longue suite de brefs tableaux retraçant le destin des proscrits, puis il peint une grande fresque de la confrontation finale, sans cacher où vont ses sympathies. Quand il écrit, la République est morte depuis deux cents ans, mais son souvenir alimente toujours la réflexion morale et politique.
Philippe Torrens est professeur agrégé des lettres et docteur en histoire ancienne.