La présence des paradoxes stoïciens dans l'œuvre de poètes dont les liens avec le Portique sont divers révèle le statut particulier occupé par ces formules déconcertantes dans la pensée romaine. Après l'étude des origines du paradoxe et de ses transformations au cours du développement des écoles philosophiques grecques, cet ouvrage examine la spécificité du paradoxe stoïcien et son adaptation au monde romain. Contre toute attente, les Stoïciens ne renoncent pas à ces affirmations déconcertantes. Grâce à leur efficacité rhétorique, et malgré l’hostilité qu’ils suscitent par ailleurs, les paradoxes sont repris dans des textes étrangers au Portique. Leur adaptation dans des œuvres poétiques - satires de Lucilius, Horace et Perse, épodes, odes et épîtres d’Horace et épopée lucanienne - pourrait nous faire considérer qu’ils sont pervertis et détournés de leur fin première. En effet, le but de ces poètes n’est nullement de faire adhérer le lecteur à l’intransigeante perfection dessinée par les paradoxes stoïciens. Mais le lien entre les paradoxes que l’on trouve dans ce corpus poétique et leur origine stoïcienne est en réalité bien plus intime. Selon des modalités différentes, chaque poète reprend l’essentiel de la démarche paradoxale du Portique : il s’agit bien de réveiller les consciences, et de souligner la radicale nouveauté de la vérité que l’on veut faire entendre, tout en s’assurant que le lecteur peut s’y rallier. La virulence de Lucilius, le ton de confidence horatien, la stupeur lucanienne et l’obscurité de Perse constituent les voies distinctes mais convergentes par lesquelles est menée l’entreprise subtile consistant à choquer pour mieux convertir.
Diane Demanche est agrégée de Lettres classiques et enseigne le français, le latin et le grec dans le secondaire. Elle a consacré sa thèse de doctorat à l’étude du paradoxe dans la pensée antique, et en particulier aux paradoxes stoïciens.