Aussi vieux que les légendes et pourtant toujours neuf dans son esprit et ses formes: tel apparaît l'incognito. Le mot fait une entrée discrète dans le vocabulaire français avec Arnaud du Ferrier, ambassadeur à Venise, en 1581. On circule incognito dans une ville pour échapper à la police ou pour mener à bien une aventure amoureuse. Chez Homère, les dieux ne le dédaignent pas. Avec les chevaliers de la Table Ronde, il s'agit plutôt d'intriguer ceux et surtout celles qui voudraient percer le secret des armures. L'incognito permet aussi de défier un monde dont on ne veut plus, comme nous le montre la légende de saint Alexis. Plaisant et ludique autant qu'on voudra, il engendre cependant de tragiques méprises: Tancrède ignore qu'il se bat contre sa bien-aimée. L’incognito trouve sa limite dans les signes les plus personnels de chacun: une certaine manière de sourire, de marcher met en échec les plus savants maquillages et trahit celui qui les a inventés. Une histoire de l’incognito, c’est aussi une histoire philosophique de la notion de personne.