L'idéal serait sans doute de partir pour nulle part, embarquer les chiens, monter sur un bateau ventru pour aller s'évanouir dans un ailleurs imprécis et à peine noté sur les cartes. Oublier l’ensemble du monde ; lui tourner le dos, mais sans même un mouvement d’humeur, avec une indifférence teintée de soulagement et même de joie. On débarquerait au couchant, et la première nuit on attendrait sans impatience la survenue des brumes matinales, qui ne manqueraient pas au rendez-vous. La maison serait petite et ancienne, inoccupée de mémoire d’homme (mais très bien chauffée : elle connaîtrait nos âges et les froids dont nous arrivons tout juste), et tous ses anciens habitants seraient morts depuis longtemps. Les fenêtres en seraient étroites, mais commanderaient un paysage résolument immobile sous les assauts des vents. Il n’y aurait plus ni surprise, ni déconvenue, ni grandes sautes d’allégresse. Jusques aux chiens qui se lieraient familièrement aux brouillards, et, petit à petit, perdraient l’habitude de marcher vers la mer.
Didier Goux est écrivain et journaliste. Il a 58 ans, ce qui ne laisse pas de l’étonner. Mais c’est sans doute cet âge pré-canonique qui lui a permis de voir s’effacer le pays où il est né, la France, pour se transformer en une contrée hostile, inhabitable, sotte et ravie d’elle-même.
Retracer la carte du premier et dynamiter les redoutes de la seconde constituent la double ambition de ce livre, où le rire cruel tient la dragée haute à la mélancolie.