Thriller original au rythme trépidant, le premier roman d'Eliot Pattison, récompensé par le prix Edgar-Award 2000, est une réussite. Comment traiter la question de l'antisémitisme en France aujourd'hui?
Les prisonniers d'un camp de travail trouvent un corps sans tête. D'anciennes légendes refont surface: un démon sauvage aurait pris possession des lieux. Les détenus – pour la majorité d'entre eux des moines tibétains – refusent de poursuivre les travaux. Un des prisonniers, Shan, un ancien flic chinois disgracié, se voit confier l'enquête. La recherche du meurtrier le conduira à travers le Tibet. Un voyage superbe et éprouvant qui lui fera découvrir les croyances populaires et religieuses du pays et le confrontera à des affaires politiques inquiétantes. Eliot Pattison nous donne un éclairage poignant sur le Tibet d'aujourd'hui, menacé par l'oppression chinoise. À travers les yeux de son héros, Shan, par le biais des différents personnages du roman, il nous dévoile l'âme et la détresse d'un peuple asservi et brimé: monastères anéantis, destruction de l'environnement, moines enchaînés, Chinois méprisants et intolérants, lâcheté des Occidentaux... Ce roman est une attaque féroce contre la Chine et sa politique d'occupation, contre le silence qui entoure ces événements, et une habile métaphore de la violence irrationnelle qui s'est emparée du pays. "Rien de plus difficile à un journaliste que de dire "je', et pourtant c'est bien ce qui est proposé dans cet ouvrage qui se voudrait une réflexion, étayée par l'anecdote et l'autobiographie, sur la présence inattendue, mais tenace, d'un préjugé antijuif dans la société française actuelle. Bien entendu, l'antisémitisme contemporain n'a plus l'intensité qu'il avait dans les années 1930 ni, a fortiori, pendant le régime de Vichy. Et il est utile de le chercher là où il se trouve – non dans la version la plus radicale qu'il a connu au cours du XXe siècle. Je voudrais dans ce livre repérer certaines circulations, détours et métamorphoses qui réinjectent l'imaginaire antijuif le plus traditionnel dans le monde le plus contemporain. Tant il est vrai que l'antijudaïsme dispose d'un registre assez pauvre, dont il ne fait que rebattre sans cesse les cartes. Il ne s'agit pas de soutenir la thèse, évidemment absurde, que tout se répète et qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil noir de la haine. Il s'agit de faire ressortir plutôt l'entêtement des archaïsmes et leur singulière capacité d'actualisation. Bref, pour paraphraser le mot célèbre de Clemenceau sur la Révolution française, je dirais que l'antisémitisme "est un bloc', et – sans céder aux amalgames – je voudrais défendre l'idée qu'elle a, dans la palette de ses expressions, une profonde unité – celle de la part d'ombre de notre société. Cette part d'ombre, j'ai essayé de la faire découvrir au travers d'un itinéraire – le mien, celui d'un intellectuel et d'un journaliste, né en 1957, pour qui l'identité juive et les questions qu'elle pose ont toujours occupé une place de premier plan. Je voudrais montrer par un récit comment on se heurte au mécanisme du préjugé antijuif sous ses formes les plus subtiles, même où on s'attendrait le moins à le rencontrer : dans les milieux intellectuels, la presse et l'université – non sous la forme de l'insulte ou de la brutalité d'ailleurs, plutôt celle du malaise. Je voudrais également décrire comment cette rencontre humilie et transforme, et à quel point elle est essentielle pour l'individu qui y est exposé." Nicolas Weill