Héritier de Racine, de Saint-Simon et de Mme de Sévigné, Proust intègre aussi tout le XIXe siècle. Comme dans les Illusions perdues ou dans L'Education sentimentale, il y a dans la Recherche un roman de Paris qui côtoie un roman de la province ; de même, Combray est une métamorphose de Combourg, Charlus, la dernière incarnation de Vautrin, le catleya d'Odette, une autre fleur du mal, et les rêves du Narrateur prolongent ceux d'Aurélia.
Mais si on peut lire Proust comme un résumé de la littérature, son projet parvient aussi à transfigurer la matière et la perspective de ses prédécesseurs illustres. Son œuvre se veut à la fois le livre du savoir total et le livre qui rassemble tous les livres : il y a un Proust de la biologie, un Proust de la médecine, un Proust de la mode, un Proust de la peinture, un Proust de la musique ; on peut découvrir aussi dans la Recherche un traité de psychologie, un essai philosophique, une quête initiatique, l'histoire d'une passion, un "nouveau roman", la seconde Bible de l'humanité.
Car, bien plus que la religion de la Beauté dont Ruskin fut le prophète, Proust célèbre la religion de la Littérature et vient annoncer aux hommes la bonne nouvelle : grâce à la littérature, nous pourrons échapper au temps et à la mort.
"Elle est retrouvée !
Quoi ? l'éternité."
André Alain Morello.