Dans le froid et sombre presbytère du petit village de Haworth (Angleterre), il y avait vers le milieu du siècle dernier trois jeunes filles et un garçon privés de mère et tous promis à une existence brève. Comme pour prendre de vitesse l'ange de la mort qui allait les saisir en quelques années, ces enfants doués écrivirent au sortir de l'adolescence quelques chefs-d'œuvre. Dans Agnès Grey (1847), Anne Brontë met en scène des sentiments et un bonheur qu'elle n'a pas eu le temps de vivre. Dans Villette (1852), Charlotte révèle un bonheur qu'elle faillit connaître au prix du scandale. Il revenait à Emily Brontë d'écrire avec Wuthering Heights (1847) un livre ténébreux et orageux (dans lequel on reconnaît, sous le diabolique Heathcliff, leur frère Branwell), le roman de la fatalité et du désespoir, un récit épouvantable et beau que l'on n'attendait pas sous la plume d'une jeune fille de vingt-cinq ans.
Francis Lacassin.