Avec une majorité d'édifices construits à l'époque coloniale et maintenus en usage après les indépendances, la prison est le " panoptique " par excellence dans lequel se réfléchissent deux siècles d'histoire du Maghreb.
Plus précisément, l'Algérie, colonie de peuplement pendant 132 ans, constituée de trois départements français et marquée par deux longues guerres de conquête (1830-1871) et de décolonisation (1954-1962), offre un terrain d'analyse particulièrement fécond pour comprendre non seulement la similarité dans la différence du système carcéral édifié outre-mer, mais aussi les héritages de ce système après l'indépendance en Algérie comme en France. De fait, la prison fût un outil de domination coloniale, de répression politique et d'exploitation économique. Elle a détenu massivement les colonisés et les indésirables français (militaires ou opposants), femmes ou hommes, au sein d'un réseau carcéral complexe, car englobant de très nombreux sites répressifs transformés en prisons (camps, hôpitaux psychiatriques, casernes, etc.), et mondial, puisqu'incluant dans un même ensemble la colonie, sa métropole, et les bagnes de Guyane ou de Nouvelle-Calédonie. Elle a aussi été, bien sûr, un foyer de résistances largement réinvesti dans l'Algérie nouvelle.
À partir de sources très différentes (enquêtes orales, rapports d'expertises psychiatriques, ego-documents, archives administratives, policières et judiciaires, oeuvres d'art, etc.), de regards croisés d'anthropologues et d'historiens, de quelques éléments de comparaison avec la Tunisie, ce dossier montre comment la prison fut omniprésente et à quel point elle hante encore les mémoires. Inévitable, donc.