Les enquêtes d'opinion et statistiques sont aujourd'hui une part intégrante du paysage de nos sociétés démocratiques. Une pratique que l'on trouve légitime mais dont on peine à imaginer qu'elle ait pu exister avant la République, dès l'Ancien Régime et même dans ce lointain Moyen Age, si antagoniste a priori avec les usages politiques et les modes d'information contemporains.
Pourtant, dès le XIIIe siècle en Occident, les princes et les communes qui incarnent l'autorité publique cherchent à mettre en œuvre l'idéal du Bon Gouvernement en faisant reposer la prise de décision puis l'action politique sur l'information obtenue des sujets, la " vérité " juridiquement construite à partir des témoignages recueillis, et le contrôle des agents publics.
Le " dialogue " entre gouvernants et gouvernés s'établit de la sorte à plusieurs niveaux ; il repose sur la parole mise en forme par l'écrit dans le cadre des procédures d'enquête, sur la transformation de la " réalité " en " vérité ".
Les historiens réunis dans cet ouvrage cherchent à comprendre les mécanismes originels de ce processus en le replaçant dans le contexte plus large des usages de la parole – recueillie, transcrite, transformée – dans les modes de gouvernement médiévaux, en posant quelques jalons du devenir de l'enquête à l'époque moderne, en ouvrant enfin la perspective au monde ottoman dont les pratiques en ce domaine sont originales.