Les frontières séparent, dit-on, les territoires, les espaces, les individus et les communautés. Elles sont tantôt solides comme un mur, tantôt légères comme un fil. Matérielles ou symboliques, durables ou éphémères, profanes ou sacrées, les frontières partagent. Mais, comme la porte, la frontière est aussi ce que deux entités ont en partage ; comme le seuil, la frontière entrelace les espaces.
L'eruv est cette frontière discrète, ce mur symbolique fait de portes, cette séparation presque immatérielle qui privatise une portion de la voie publique pour permettre aux Juifs rabbiniques de respecter les interdits du shabbat à l'extérieur du domicile. Réfléchir à l'eruv - ce mur fait de fils tendus sur la ville -, c'est interroger notre lecture d'un espace commun aux significations multiples, c'est questionner notre conception de la bonne distance entre la religion et le politique, c'est évaluer la tolérance des sociétés démocratiques à la différence. Sans que les frontières ne deviennent des clôtures et sans que les portes ne se transforment en murs.