L'œuvre de Marguerite de Navarre exhibe autant de voix que la reine de Navarre a de visages. Dans son Heptaméron quelles voix de devisants doit-on privilégier ? Figurent-elles plutôt une rencontre symposiaque où il s'agit de déceler dans les récits mêmes des commentaires qui font ressortir une profonde voix plus authentique de la reine de Navarre ? Or, celle-ci fait-elle part égale des faiblesses de l'homme et de la femme ? Par ailleurs, l'Heptaméron est un texte en mouvance, voire à la dérive. Originellement il émerge chaotiquement des premières traductions françaises du Décameron. Ensuite, inachevé et abandonné par son auteur, il revit à travers divers manuscrits que les premiers éditeurs, après la mort de l'auteur, manipulent et sur lesquels ils n'hésitent pas à renchérir.
Le véritable texte ne pourra-t-il être que celui que le lecteur en extrait ? La preuve ? Deux lectures du théâtre de Marguerite de Navarre. Deux opinions opposées quant à l'essence spirituelle et religieuse de ces ouvrages reflétant la crise spirituelle éprouvée par la reine au cours de sa vie, une crise qui se rapporte directement à celle de son époque. De plus, un visage intime se dégage de sa poésie, abondant débouché cathartique, où son frère royal comble le besoin d'une auctoritas inébranlable que la reine pleurera profusément après sa mort. Reste le visage public, le mécénat de la reine vis-à-vis des poètes italiens, sujet juqu'à présent inabordé. Nul doute qu'il s'agisse d'un geste protecteur et attentif à l'égard de la culture de l'époque et propre à la classe dirigeante. Serait-ce également une extension logique de la politique royale vis-à-vis de la péninsule italique ?
Les textes de ce volume s'aventurent ainsi sans se perdre et s'insinuent dans le labyrinthe de l'âme margaritique.