Est-il encore possible de parler des Tristes d'Ovide ? [...] Nous voulons écarter tout sentimentalisme et nous rejetons l'expression romantique de la douleur. Nous sommes positifs et il ne nous déplaît pas que les poètes soient exilés. [...] Or Anne Videau-Delibes porte ici un témoignage qui est celui de la modernité. [...] Elle n'est certes pas positiviste mais elle sait aussi dépasser le subjectivisme. Elle comprend que le destin d'un auteur n'est ni négligeable ni suffisant pour expliquer l'œuvre ou d'abord pour la comprendre. Ovide écrivait les Tristes parce qu'il était en exil ; il souhaitait sans doute les utiliser comme une supplique pour son rappel. Mais il songeait d'abord à en faire une œuvre et il se demandait comment tirer quelque poésie d'une aussi cruelle matière. Il y parvenait par le langage, dont les figures mimaient une expérience originale et universelle de l'espace et du temps : la rupture, la brisure, la séparation. [...] On aboutit à un résultat singulier : il idéalise sa poésie tout en rejetant le sublime. Il décrit en style pathétique une expérience où l'héroïsme ne peut rien. Il n'a pas de consolation morale. Seule lui reste la beauté de sa douleur.
Alain Michel