Lamartine, comme tant de ses contemporains, n'élève-t-il la Femme sur un piédestal d'idole que pour mieux perpétuer son « infini servage » ? Vierge ou mère, ange ou muse, ou encore immaculée Madone, elle peut sembler, dans les rêveries du poète comme dans les conceptions sociales de l'homme politique, confinée à un rôle d'intercession et de médiation avec l'absolu. Pourtant le féminin chez Lamartine se révèle bien plutôt « médiateur vers » que « médiateur entre » : principe d'inquiétude, d'invention et d'impatience sacrée, il brille à l'orient de l'homme et tout au bout du Voyage en Orient, comme la flamme même de l'Utopie qui invite à inventer des cieux plutôt qu'à contempler au ciel des fixes les signes d'une transcendance immobile.
Au-delà d'une sociologie de la condition féminine au XIXe siècle, ce volume explore la riche mythologie du féminin chez Lamartine et les aventures d'un « Éros nocturne » qui parfois laisse éclater au grand jour les plus étonnants fantasmes. Le manque, la faille du féminin semblent le cœur secret de la poétique lamartinienne. Par son écriture « à l'abandon » le plus méconnu des poètes illustres fraie les voies de la poésie moderne : « cette allure féminine : moins ce qui resterait d'une poésie décidément incapable de force, que ce qui surgirait et réapparaîtrait d'une poésie capable de faiblesse ».