Composé par Jean Barclay et publié à Paris de 1605 à 1607, Euphormion est un roman satirique qui raconte les tribulations d'un jeune homme faisant le dur apprentissage du monde. Contraint pour survivre de se mettre au service d'un seigneur ombrageux, il va d'abord subir un long esclavage. Ayant résolu de s'enfuir, il parcourra ensuite de nombreux pays et découvrira peu à peu à quel point le bonheur et la liberté sont illusoires. C'est presque toujours à ses dépens qu'il prendra conscience de la complexité du coeur humain et du danger des compromissions sociales.
Issu d'une famille d'origine écossaise mais Lorrain par sa naissance, l'auteur a lui-même beaucoup voyagé et s'est largement inspiré de sa propre expérience. C'est dire si l'imaginaire européen qu'il nous propose est d'une grande authenticité. Il s'est appliqué à une description des mœurs aussi minutieuse qu'exhaustive. Éducation, justice et religion, politique, vie de cour et prostitution, sorcellerie, arts et médecine, à vrai dire tous les domaines de la vie sociale ont été abordés et scrutés d'un œil intransigeant et caustique pour aboutir à un tableau très juste de la société à la fin de la Renaissance.
Sur le plan narratif, Barclay a surtout pris Pétrone pour modèle, auquel il a emprunté plusieurs situations pittoresques et une certaine liberté de ton, mais en préférant souvent la gravité à la truculence. Son style, quoique plus contenu, n'exclut pas l'humour et la fantaisie. Le public de l'époque, pris d'une véritable frénésie romanesque, a accueilli cette satire avec enthousiasme. Elle a été constamment rééditée au XVIIe siècle et plusieurs auteurs de romans satiriques et d'histoires comiques s'en sont inspirés.
Mais Jean Barclay fait partie de ces écrivains qui se sont exclusivement exprimés en latin et qui ont ainsi sombré quand la littérature s'est définitivement coulée dans le moule des langues nationales. Depuis la traduction publiée par Jean Bérault en 1640, le texte d'Euphormion n'a jamais reparu en français sous une forme intégrale et fidèle. C'est cette traduction, restituant autant qu'il est possible le style nerveux et coloré du satiriste, qui est présentée ici dans une écriture modernisée.