Le traité de Lodovico Dolce, le Dialogue de la peinture intitutlé l'Arétin, prend place à un moment clé de l'histoire de la pensée artistique en Italie. Vasari vient de publier la première édition des Vies en 1550 et le culte de Michel-Ange paraît alors à son apogée. Les célèbres Leçons de Varchi à l'Académie de Florence et l'enquête menée par le philosophe auprès des artistes n'auront été qu'un jalon de plus sur le chemin de cette reconnaissance universelle. Rome et Florence n'ont d'autre dieu que Michel-Ange. Dans ce consensus général qui consacre le triomphe du dessin sur la couleur s'élève la voix discordante de Dolce qui sous couvert de l'Arétin, ennemi juré du grand artiste florentin, remet soudain en cause l'art d'un Michel-Ange et de ses disciples et dénonce tout à la fois les audaces stylistiques, la terribilità, les manques à la bienséance, la pauvreté des couleurs. Le Jugement dernier, pierre de touche de la querelle, tant admiré pour les uns devient pour les autres, objet de scandale. À l'arrière plan, on devine une querelle d'école. C'est la remise en question du Maniérisme au nom des critères d'un classicisme dont les Vénitiens avec Dolce demeurent les partisans convaincus. Titien apparaît alors aux côtés du sage Raphaël, modèle de l'art classique, comme l'artiste qui à lui seul thésaurise toutes les perfections. Pamphlet « anti-michelangelesque » conçu sous forme de dialogue entre le florentin Fabrini partisan du dessin et l'Arétin, porte-parole pour la circonstance de l'art classique, l'ouvrage de Dolce veut aussi, avec Titien, consacrer la suprématie de Venise.