La relation orientale désigne à la fois l'apogée d'un genre (celui des récits de voyage en Orient) et le caractère spécifique de celui-ci à l'époque romantique : les Orientaux ne sont plus perçus par les voyageurs européens comme de simples « images », mais comme des sujets avec lesquels il est possible de communiquer. Ces derniers acquièrent peu à peu, dans les récits de voyage en Orient de la première moitié du XIXe siècle, un droit de regard sur le regard, qui modifie profondément les conditions de la rencontre et de la représentation.
Cet ouvrage, dans une perspective d'anthropologie littéraire, se veut une contribution à l'étude des relations interculturelles. À cet égard, le drogman (l'interprète levantin) constitue une figure centrale de la médiation. Tout en le représentant souvent de manière parodique, de nombreux écrivains-voyageurs, animés par un fantasme exotique, vont tenter de se substituer symboliquement à lui. D'où la place importante qui lui a été faite ici.
Sans vouloir banaliser le fait colonial, cette étude cherche à apporter une réponse différenciée à la question de la représentation littéraire de l'altérité orientale. De l'Itinéraire (1811) de Chateaubriand, qui hérite de l'imaginaire du « despotisme ottoman » issu des Lumières, à Contantinople (1853) de Gautier, qui rêve d'une Turquie « barbare » encore intouchée par les réformes à l'européenne, en passant par le Voyage en Orient de Lamartine (1835) et par celui de Nerval (1851), c'est tout un parcours fondé sur l'idée de rapprochement que nous donnent à lire les voyageurs français de la première moitié du XIXe siècle. La parution du Guide Joanne de l'Orient, en 1861, constitue une césure : elle annonce l'ère du tourisme de masse qui, paradoxalement, rend la rencontre de l'autre plus problématique.