" Une chose est certaine : je n'ai rien à dire. Comme tant d'autres, me dira-t-on, qui n'arrêtent pas de parler. Peut-être. Et qui, en outre, plastronnent et jargonnent. Pour initier un débat, pour générer une affaire... Sans doute. Tant de " jargonautes ", partout ! Il n'empêche, je n'ai rien à dire.
C'est pour cette raison que je commence un journal. Lorsqu'on n'a rien à dire, il faut un confident. Pour fermer la porte à la horde du vide qui veut entrer. Mais moi, je ne veux pas qu'elle entre. Pourtant ce serait une tentation de la laisser entrer, cette horde. Grâce à elle, devenir pareil aux autres, n'avoir rien à dire, comme eux, ouvertement, alors que moi, je veux n'avoir rien à dire, pas ouvertement. "
Ces lignes ouvrent mon roman. Non seulement je ne les renie pas, mais je persiste et signe. Je ne veux pas que l'Indifférence dévore ce qui m'est le plus cher : mes jours clairs, mes jours sombres. Elle qui se nourrit de tout, car l'oubli, la mort lui servent de transport en commun.
Comment lui échapper ? C'est mon secret. Et la puissante excavatrice qui se dresse dans ce chantier qu'est notre vie, nous attend-elle pour nous broyer ou pour nous délivrer ?
Je ne sais pas. Je ne sais plus.
B. Schreiber
Boris Schreiber s'affirme, une fois de plus, comme le plus insolent, le plus déroutant, des écrivains contemporains.