« La Lorraine. Dans le paysage de fer et d'acier ravagé par la crise de la sidérurgie, l'implantation à coups de subventions publiques de trois usines du groupe coréen Daewoo, fours à micro-ondes, téléviseurs. Entre septembre 2002 et janvier 2003, fermeture brutale des trois usines […]. Pourtant, la première fois que j'entre à Fameck dans l'usine vide […], aucune trace de cette violence sociale qui a jeté sur le pavé 1200 personnes, des femmes surtout. Au cours de mes visites, j'en rencontrerai bien sûr. Des voix toutes chargées d'émotion, la violence du travail à la chaîne, et la violence ensuite des luttes. Comment affronter maintenant le quotidien vide […] ?
Ces récits entendus, les transcrire ne suffit pas : il faut raconter, reconstruire, la cellule de reclassement, les appartements où vous êtes reçu et le supermarché. Ce qui est proposé comme nouvelles figures du travail ? Centres d'appels, marché du chien. Il faut aussi entrer dans les silences. On vous parle d'une qui n'est plus. Ce n'est pas un livre prémédité : il s'agissait au départ de jouer, ici même, une pièce de théâtre. Et puis, à cause des visages, pour la densité des mots en partage, je décide d'écrire. Si les ouvrières n'ont plus leur place nulle part, que le roman soit mémoire. »