Le temps d'un week-end d'euphorie et de cauchemar, la descente aux enfers de Don Birnam, un écrivain raté dévoré par l'alcoolisme. Roman-culte sur l'addiction, chef-d'œuvre de lucidité et de poésie,
Le Poison est un morceau d'anthologie à redécouvrir au plus vite.
À New York, dans les années 1940
Une fois le verre devant lui, il se sentit mieux. Il ne le but pas immédiatement. Maintenant qu'il le pouvait, il n'en éprouvait plus le besoin. Au contraire, il s'offrit le luxe de l'ignorer pour un temps. Il alluma une cigarette, sortit plusieurs enveloppes de sa poche, déplia et parcourut une vieille lettre, rangea le tout et commença à chantonner doucement. Puis il se joua la comédie subtile et étudiée de l'ennui : il se regarda dans la glace sombre du bar, comme perdu dans ses pensées ; tripota son verre, le tournant et le retournant ou le faisant glisser d'avant en arrière sur la surface mouillée du comptoir ; dansa d'un pied sur l'autre ; lança un regard dans la direction d'un couple d'inconnus qui se tenaient au bar un peu plus loin, les toisant de haut, une minute ou deux, d'un œil critique, et, estima-t-il, d'une façon aristocratique. Et quand, pour en finir, il leva le verre jusqu'à ses lèvres, ce fut avec un air excédé qui semblait dire : " Ma foi, je suppose que je ferais aussi bien de le boire, maintenant que je l'ai commandé. "