Pour un né natif qui fréquente Paris depuis des décennies, l’amour y va par aveuglement et par caprices, étouffant un jour, un autre jour euphorique, un jour dans le refus, un autre jour dans le dithyrambe. Marcher dans les rues de Paris, c’est s’y perdre et s’y reconnaître, détailler Paris c’est, trahir et faire allégeance. Nid à surprises et nœud de rituels, Paris par cœur court toutes les chances en épousant les aléas de l’errance saute-ruisseau, au gré des humeurs, en jouant des échos et des renvois pour chanter librement, se plaindre, rire, dévisageant cette encyclopédie des fables qu’est toute ville, et celle-ci singulièrement.
L. J.
De la place des Abbesses à la brasserie Zeyer, décalé, érudit, sensible, souriant de sa nostalgie comme d’une vieille plaisanterie, Ludovic Janvier revisite cette ville connue autant que rêvée sous forme d’abécédaire, ces livres pleins de doubles-fonds, de sauts en avant et de retours en arrière qui font la joie des poètes et des flâneurs des deux rives.
Si la littérature consiste à faire voir différemment ce qu’on croyait pourtant bien connaître, c’est sans conteste dans cette catégorie qu’il faut ranger ce faux dictionnaire, vraie machine à voyager dans le temps, guide incomplet mais émouvant, aléatoire mais jubilatoire, destiné à tous les promeneurs qui savent qu’une ville est faite de chair et sang plutôt que de pierres et de briques.
Romancier, essayiste et poète, Ludovic Janvier est né en 1934 à Paris, où il s’est éteint le 18 janvier 2016. Dans son hommage publié par Le Monde des livres, Patrick Kéchichian écrit : « Ce qui lui importe, c’est la manière de nommer, de former et de déformer, de métamorphoser cette “matière à musique” de la vie. »