Ce neuvième volume des Oeuvres d'Ismail Kadaré est composé de cinq romans ou récits et de onze nouvelles, écrites à des périodes différentes. Hormis Le cortège de la noce s'est figé dans la glace, Trois chants funèbres pour le Kosovo et Ballade sur la mort de J.G., qui évoquent les drames anciens et récents du Kosovo, la plupart des autres oeuvres ont pour thème et décor l'ère socialiste.
On a beaucoup disserté, dans les pays ex-communistes et hors d'eux, sur la façon dont cette époque fut dépeinte par ses propres écrivains et sur leur degré de soumission ou d'autonomie par rapport au conformisme en vigueur. Pour ce qui est d'Ismail Kadaré, ce volume fournit d'intéressantes réponses à cette question. Il s'ouvre notamment sur un roman intitulé La Peau de tambour (ou Les Noces), écrit et publié en 1967, le seul, de l'aveu même de l'auteur, à avoir subi l'empreinte du réalisme socialiste. Pourtant, à la lecture de cette oeuvre surprenante - que Kadaré a pu lui-même qualifier de " plus mauvais roman que j'aie écrit " -, on est frappé de constater à quel point l'altération de la personnalité de certains auteurs a été bien moindre qu'on ne l'a prétendu.
Un autre roman, Clair de lune, a été interdit dès sa publication en Albanie, en 1985, pour " errements idéologiques ". L'Aigle, en revanche, a été conçu et édité en France en 1995, après la chute du communisme. Enfin, la plupart des nouvelles ont été rédigées et publiées en France entre 1960 et 1990, et traitent de la vie en régime socialiste, tout en échappant aux clichés et conventions de l'époque.