Presque seule dans ce quartier pourtant si animé en temps ordinaire, il me semble que les façades des palais m'appartiennent. Ayant le sentiment de me trouver quelques siècles en arrière, je déambule dans Venise qui me paraît être un tableau. J'idéalise le moment et rêve qu'au détour de la prochaine rue surgirait l'homme au béret rouge, celui que je guette dans toutes les peintures. À quel siècle pourrais-je le rejoindre ? À celui de Carpaccio, le peintre le plus vénitien d'entre tous qui, par les détails ornementaux de ses coups de pinceaux, donnait à voir Venise comme aucun autre après lui ? Ou celui de Véronèse, avec sa représentation du faste de la Renaissance où les femmes aux formes opulentes serrées dans des robes de soie et de satin multicolores se retrouvent en déesses ou en Madone ? Venise est un lieu où l'espace-temps agit comme un trompe-l'oeil sur nos âmes. Ici, le passé se transforme en présent. Dans ce parcours initiatique vénitien, Béatrice de Reyniès crée ses propres univers, réels ou imaginaires. Ils se révèlent à elle par le jeu de l'assimilation de l'artiste ou de ses personnages, à qui elle prête vie le temps d'une narration fictive. Elle prend la liberté d'aller au-delà d'une réalité scientifique pour laisser un espace ouvert de rencontres hors du temps, dans l'intervalle qui existe entre le passé et le présent qu'elle vit avec intensité à Venise.