Dès 1924, Leo Strauss s'est interrogé sur l'origine et la signification d'un problème auquel lui-même ainsi que de nombreux intellectuels de son époque se sont trouvés confrontés - et dans l'Allemagne de Weimar sans doute plus que partout ailleurs - celui du " juif perdu dans un monde moderne non-juif ". Cette question constitue à ses yeux " le symbole le plus manifeste du problème humain comme problème social et politique ". "Le Testament de Spinoza" réunit sous le titre d'un article de 1934 paru dans le "Journal de la Communauté Israélite de Bavière" des textes de Leo Strauss qui s'articulent autour de Spinoza et des problèmes du judaïsme. Leo Strauss y développe la thèse centrale que la compréhension du problème juif est inséparable d'une compréhension renouvelée du "Traité théologico-politique". Cette dernière est liée à la découverte straussienne de l'art d'écrire. Spinoza n'est pas seulement ici figure paradigmatique pour une communauté à l'adresse de laquelle Leo Strauss a voulu retranscrire "hic et nunc" le message politique spinoziste. C'est aussi le philosophe qui maintient la catégorie du théologico-politique dans les termes de laquelle le conflit de la raison et de la révélation continue de devoir être rouvert et repensé (fût-ce même dans une direction opposée à celle où la modernité de Spinoza s'engage) et à partir de laquelle son " testament " peut être apprécié.