C’est dans les Halles centrales de Paris récemment construites par Baltard que Zola situe le troisième épisode des Rougon-Macquart. Après « la course aux millions » décrite dans La curée, ce sera la fête breughelienne du Ventre de Paris, tourbillonnante et bigarrée, ses amoncellements de victuailles, ses flamboiements de couleurs, ses odeurs puissantes de fermes, de jardins et de marées.
Florent, arrêté par erreur après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, s’est évadé du bagne de Cayenne au bout de sept ans d’épreuves. Il retrouve à Paris son demi-frère qui, marié à la belle Lisa Macquart, fait prospérer l’opulente charcuterie Quenu Gradelle. Mais la place de Florent est-elle à leurs côtés ? A-t-il renoncé à ses rêves de justice ? Car si l’Empire a su procurer au « ventre boutiquier, au ventre de l’honnête moyenne… le consentement large et solide de la bête broyant le foin au râtelier », il n’a guère contenté les affamés. Et la grande kermesse flamande va réveiller bientôt l’éternel affrontement des Maigres et des Gras.
Nulle part peut-être, mieux que dans Le Ventre de Paris, n’éclate ce don épique qui s’appuie sur le réel pour le déborder bientôt et le transfigurer dans une lumière nouvelle. […] Pour la première fois ici, un écrivain a discerné et pris en charge la beauté du paysage urbain moderne. Balzac l’avait pressentie, Baudelaire l’avait exaltée, mais c’est Emile Zola qui en a compris la vraie force et qui, avant tout autre, l’a placée au cœur d’un univers romanesque, lui donnant enfin ses lettres de noblesse littéraire.