Parmi les œuvres de fiction qu'a produites la littérature européenne au Moyen Âge, les romans grecs écrits en langue vulgaire et en vers de quinze syllabes sont restés voués à une regrettable obscurité, faute de traductions en français et dans la plupart des langues modernes. Ces œuvres dues à des auteurs anonymes de l'époque des Paléologues (XIIIe-XVe siècles) – romans de chevalerie et romans à sujet antique – continuent la tradition romanesque locale, qui va du roman sophistique de l’Antiquité au roman byzantin de l’époque des Comnènes (XIIe siècle), mais la conjuguent avec l’apport des romans médiévaux écrits en ancien français, auxquels ils empruntent parfois leur sujet. Ils doivent aussi, sans doute, à l’épopée de Digénis Akritas, et participent à la naissance d’une littérature orale que la culture savante de Byzance ignorait, mais que la Grèce ne cessera dès lors de cultiver. Ils sont le produit de la rencontre entre les civilisations hellénique et latine qu’a suscitée, après la prise de Constantinople en 1204, l’installation durable des croisés sur certains territoires de l’Empire byzantin démembré.
René Bouchet est professeur de grec moderne à l'Université de Nice Sophia Antipolis. Il a déjà publié dans la même collection une traduction de la Chronique de Morée.