" Je suis tout le monde, je suis vous, vous et vous. Essayez de comprendre ça. "
Étienne, 20 ans.
Après deux siècles de psychiatrie, un siècle de psychanalyse et cinquante ans de neurobiologie, la folie – la psychose, en termes médicaux – reste un mystère planté au cœur de l'être humain. Nous n'avons guère avancé depuis les Grecs. La psychose est universelle. Quels que soient la société, la culture ou le sexe, le premier épisode psychotique se déclare entre 15 ans et 25 ans et touche autour de 1% de la population aux quatre coins de la planète. C'est là un point fondamental. L'île, le pays lointain, le régime politique ou alimentaire qui ne connaît pas de psychotique n'a pas été découvert à ce jour et ne le sera jamais.
" Je suis l'espèce humaine, je suis Dieu ", dit le psychotique. À ces mots, la médecine a répondu par la saignée au XIXe siècle, et par les médicaments au XXe. Chaque fois, le psychotique a été laissé à son délire, dans une profonde solitude. On ne parle pas aux fous.
L'intuition géniale du docteur Grivois a été de faire parler les patients aux toutes premières heures de la psychose pour les faire accoucher du savoir qu'ils ont de leur folie. En créant les premières urgences psychiatriques à l'Hôtel-Dieu à Paris, il a pu parler aux psychotiques avant que leur délire interprétatif, commence, avant qu'ils n'essaient de trouver une explication forcément délirante à ce qui leur arrive. Par la parole, il est parvenu à enrayer la machine, à faire reculer le délire, à garder le fou dans notre monde.
En revenant sur son itinéraire médical et intellectuel, Henri Grivois dresse une passionnante histoire de la folie à l'âge moderne qui fourmille de récits de patients, cas cliniques joyeux ou tragiques, poétiques ou philosophiques. La folie en dit long sur notre humanité. Et c'est là sa grandeur.