Il existe deux « Pensée 68 ». La première a rendu possible l'événement, la seconde a été rendue possible par lui. Deleuze, Foucault, Althusser, Lacan, Barthes et quelques autres ont été de sages professeurs avant Mai, et de purs produits de ce qui est advenu ensuite. Mais une autre pensée de Mai 68 a fonctionné en combustible de la flamme d’une histoire qui, rappelons-le, a été planétaire. Il faut aller la chercher du côté des avant-gardes littéraires, mais encore chez Henri Lefebvre, nietzschéen de gauche, dans le freudo-marxisme de Marcuse, les analyses de Guy Debord sur le spectacle, la fétichisation de la marchandise, ou enfin chez Raoul Vaneigem, qui cherchait des remèdes à l’existence mutilée et aliénée.
Les soixante-huitards se retrouvèrent sans père, et sans boussole. Un grand moment de déchristianisation avait eu lieu. Ce fut aussi un grand pas vers le nihilisme.
Le philosophe et écrivain poursuit son déboulonnage des idoles, avec un désir absolu de lucidité. Le Point.