L'historiographie de l'art allemand n'accorde en général qu'un intérêt tout relatif aux périodes du nazisme et de l'après-guerre. Hormis l'art de propagande, on ignore le plus souvent qu'il ait pu exister une création artistique moderne pendant ces décennies, donc bien avant Joseph Beuys ou les « Neue Wilden ».  
En réalité les choses sont bien plus complexes. De même que le phénomène nazi ne surgit pas de nulle part en 1933, de même la suite n'exclut-elle pas que des galeristes ou des conservateurs de musée tentent de défendre l'art moderne. Parmi les artistes non conformistes, les peintres abstraits tiennent une place à part puisqu'ils se situent à l'opposé des mots d'ordre traditionalistes du parti. Leur art requiert une détermination sans faille, d'où l'intensité formelle et conceptuelle des œuvres. Ensuite, après 1945, qu'est-ce qui change vraiment, dans ce pays ruiné, pour les anciens et les nouveaux venus à l'abstraction? Outre l'impréparation du public à l'égard de leur peinture, la pression idéologique, toujours là, se manifeste désormais par le clivage est­ouest. Aussi, même pour un peintre comme Willi Baumeister, chef de file du mouvement et à l'œuvre si vaste et significative, cet art continue d'être une chance pour la liberté de créer.  
S'écarter d'une description figurée du monde pendant la dictature et la Reconstruction, privilégier l'exploration de cet « inconnu » qu'est le médium peinture relève en somme de l'insoumission totale. Montrer que cela n'a pourtant rien d'un acte hédoniste, mais que des liens avec l'histoire existent bel et bien dans la peinture abstraite, voilà ce que se propose de démontrer le présent travail.