De Diderot à Chateaubriand, on ne relève à première vue aucune continuité tant leurs œuvres sont réputées étrangères. À y regarder de près cependant, des " connivences secrètes " se font jour. Apparaissent alors des échos insoupçonnés mais néanmoins irréfutables, par quoi s'opère insensiblement le passage des Lumières au Romantisme. Pour mieux comprendre ces évolutions souterraines, un troisième écrivain est ici invoqué : Louis Sébastien Mercier qui a saisi tout le génie des deux autres et en qui Baudelaire voyait un incontestable précurseur.
Il fallait aller lire, en quelque sorte, " dans les coins " pour repérer chez ces trois auteurs des œuvres drapeaux qui sont autant de manifestes. On y trouve des notions clefs qui leur sont communes et qui sont emblématiques de la révolution des formes littéraires : la ligne courbe et l'arabesque, le décousu et le disparate, le composite et les " stromates ", comme la " bigarrure " héritée de Montaigne. À quoi s'ajoutent un goût de la " vitesse " et une prise en compte du visuel qu'on peut qualifier de modernes.
Pour Sainte-Beuve, ces écrivains n'ont jamais procuré que des brochures, des pages ou des " beaux morceaux " sans donner aucun livre à proprement parler. Il conclut en mauvaise part que leurs œuvres sont irrémédiablement disjointes : c'est précisément par là qu'ils nous intéressent aujourd'hui.