Il est temps d'en finir avec l'image de Robert Musil penseur multiple ou brasseur d'idées. À lire " L'Homme sans qualités ", en s'adonnant au seul plaisir de la lecture, chacun perçoit qu'on ne doit pas traiter son auteur en philosophe, en savant psychologue, ou encore en sociologue de la culture, mais en écrivain, qui, au moyen d'une écriture particulière et combien travaillée, crée des personnages de roman vivant un amour sui generis, un amour mystique. Dans l'essai de lecture proposé ici, Paul Mommaers s'est attaché à deux choses : d'une part, laisser (et non pas faire) parler le texte même en le soumettant à une analyse sémantique qui concerne en tout premier lieu l'usage de " réalité " et ses dérivés, en particulier l'" irréalité " ; d'autre part, prenant au sérieux le genre de mystique évoquée par Musil – une mystique sans Dieu –, il nous fait suivre attentivement et non sans émotion, le déroulement de l'aventure d'Ulrich et Agathe, " jumeaux mystiques " qui, après une période d'expériences ravissantes, finit dans une impasse.