Premier poète romantique, Thomas Chatterton est également l'un des premiers poètes maudits. Aussi talentueux que précoce, mais pauvre et orphelin, ne possédant que sa ruse pour s'arracher à une condition misérable, voué enfin à l'échec, à la folie et à l'autodestruction, il incarne tous les fantasmes dont s'est enivré le romantisme. Il est aussi l'un des plus grands faussaires de la littérature occidentale.
Chatterton laisse une œuvre complexe et singulière, écrite moitié en anglais moderne et moitié dans un pseudo-anglais médiéval qu'il attribue à un moine imaginaire, Thomas Rowley, contemporain de Villon. De peur qu'on n'apprécie pas ses vers à cause de son âge, il fabrique de faux manuscrits médiévaux, qui trompent les notables de Bristol, sa ville natale, et même Horace Walpole, alors au sommet du monde littéraire britannique. La supercherie se révèle si efficace que Chatterton ne parvient plus à se défaire de son masque. Le 24 août 1770, à Londres, après avoir en vain essayé de vivre de sa plume, il s'empoisonne dans une mansarde de Brooke Street. Il a dix-sept ans et neuf mois.