La scène se passe à la prison Saint-Paul de Lyon, il y a tout juste un siècle. Sur un petit cahier d'écolier, un détenu écrit. Page après page, il fait le récit de ses errances, de ses déroutes et de son long parcours vers le crime. Cette autobiographie, ce criminel la rédige, comme neuf autres codétenus le feront après lui, non pour lui-même, mais pour un destinataire prestigieux : le célèbre criminologue Alexandre Lacassagne. Le professeur de médecine légale a en effet un projet fou : celui de rassembler des archives de la déviance, de constituer une encyclopédie vivante du crime à partir des seuls récits autobiographiques produits par des criminels. Maîtres-chanteurs, apaches, parricides, dépeceurs, prostituées ont ainsi écrit en quelques années un « Livre des vies coupables », resté jusqu'alors inédit. Philippe Artières a retrouvé ces manuscrits éparpillés dans le fonds Lacassagne de la bibliothèque municipale de Lyon. Il en a reconstitué la genèse en montrant comment ces textes s'inscrivent dans l'histoire paradoxale de l'écriture en prison et comment ils participent du développement de la criminologie à la fin du XIXe siècle.