" Quand j'ai installé mon étude à Chambéry en 1978, la première chose que j'ai entendue, c'est : "Lui, c'est un pousse-cul.' J'ai d'abord eu un peu de mal à comprendre, mais les vieux vignerons du coin m'ont mis au parfum. Le "pousse-cul', c'est celui qui met les gens à la porte de chez eux pour impayés, "l'emmerdeur au papier bleu'.
Il n'est jamais agréable de se faire traiter de tous les noms dans l'exercice de son métier. Toute ma vie, j'ai été un "connard d'huissier'. Un sacerdoce d'autant plus dur à exercer dans une ville de province où tout le monde se connaît. Combien de repas gâchés au Buffet de la gare de Chambéry, où j'aimais déjeuner tranquillement... Un type un peu remonté passait et c'était la volée de bois vert. Peu importe que vous agissiez au nom d'une délégation de la puissance publique : à la différence de l'avocat qui défend, du notaire qui aide à la gestion d'un patrimoine, l'huissier est réputé spolier le justiciable et en tirer profit. Voilà pour l'archétype, pérennisé par la littérature, de Balzac à Daumier.
Me battre contre les idées reçues, c'est ce que j'ai toujours essayé de faire. C'est simple : je suis huissier de justice, chargé d'exécuter les décisions des juges en matière civile. Je suis donc un bras armé de la justice, mais aussi un protecteur des droits. Me faisant un devoir de connaître les particularités humaines du tissu social dans lequel j'exerce, je cherche d'abord à informer les justiciables de leurs droits et devoirs, afin de leur éviter le pire, à savoir l'enlèvement du mobilier ou l'expulsion. Ce qu'aucun huissier, je dis bien "aucun', n'aime faire, contrairement à une idée répandue. "