Pourquoi lire Schopenhauer ? On voit difficilement, a priori, ce que la conscience pourrait gagner à suivre la pensée d’un homme obnubilé par la question du mal. N’est-on pas plutôt en droit d’attendre d’un philosophe, originairement médecin de l’âme, qu’il nous guérisse de la considération désespérante de celui-ci ? Encore ne faut-il pas confondre refoulement et guérison?: l’occultation du mal, qui caractérise selon Schopenhauer l’histoire de la philosophie occidentale depuis son commencement, ne nous aura jamais permis de le comprendre, et moins encore de nous en délivrer. La vraie délivrance ne peut en effet se produire qu’au terme d’une confrontation lucide à la cruauté du monde.
Lire Schopenhauer, c’est ainsi faire l’expérience paradoxale d’un pessimisme thérapeutique ; c’est suivre le cheminement d’une pensée souvent juste, toujours belle, parfois drôle, et qui ne cherche à comprendre le mal que pour nous en libérer.