Au détour des deux premiers siècles, la rencontre de l'art nègre a réveillé l'art européen à une époque où il se mourait d'une lente amnésie ; mais son entrée au musée a aussi allumé la guerre entre esthétique et anthropologie. La véhémence et la récurrence d'une telle discorde demandaient d'abord une critique et l'énoncé de critères rigoureux permettant de nous repérer dans un paysage nouveau.
Mais le goût du plus simple et du plus archaïque, la fouille tenace jusqu'au coeur matériel et maternel des choses qui caractérisent ce qu'on appelle les "arts premiers", continuent à travailler l'Art Contemporain, au point de constituer, peut-être, plus insistant que les autres, un signe de temps.
Le continent africain resté encore pour beaucoup "un grand trou sur la carte du monde" (Sartre) est pourtant le lieu natal de l'humanité ; mais c'est seulement dans les oeuvres auxquelles il a donné naissance que se manifeste la puissance de son génie. En elle s'abrite le secret de l'identité noire et pour une part celle de l'Occident.
C'est à cette généalogie de cette passion de l'origine que ce texte est d'abord consacré.