Et si Beckett n'avait dû sa consécration qu'à un malentendu si insistant que seule une révolution de sa lecture pouvait restituer la révolution qu'il a accomplie.
Il arrive en effet que l'interprétation obligée et autorisée d'un travail littéraire, relayée par les dévots de la mystique poétique, occulte l'immensité d'une oeuvre et en inverse le sens.
Beckett a introduit en littérature une subversion aussi radicale que celle de Duchamp en art : il a inventé l'art littéraire abstrait. Entreprise si attentatoire aux credos de la «profondeur» qu'on n'a su appliquer à son oeuvre que l'idée la plus rebattue de la poésie qu'il avait passé sa vie à refuser : « Ah, les vieilles questions, les vieilles réponses, il n'y a que ça! » ironisait-il.
Au terme d'une enquête qui réintroduit l'histoire (Goyce, Yeats, la littérature et l'Irlande...) au sein de cette oeuvre réputée la plus pure », voici le portrait inédit de l'artiste en « abstracteur», inventeur des règles spécifiques de l'abstraction littéraire; et un démontage de sa combinatoire logique qui donne la clé des énigmes les plus obscures du Dépeupleur ou de Cap au pire.
Comme dit Beckett : «Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu'à plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore.»