« Au moins toi tu es un livre perpétuel ; on cause avec toi, on s’occupe de t’aimer ; on n’est pas rassasié comme des autres plaisirs. »
Baudelaire a dix-sept ans quand il écrit cela à sa mère Caroline, qui en a quarante-quatre. Elle a épousé dix ans plus tôt Jacques Aupick, en étant alors enceinte de huit mois d’un enfant qui sera déclaré mort-né : réalité viscérale enfouie dans la violence imprécatoire de « Bénédiction », qui ouvre Les Fleurs du mal.
Une autre mère a été « un livre perpétuel » pour un autre écrivain de génie : c’est Jeanne née Weil pour son fils Marcel Proust. Quand elle meurt, à cinquante-six ans, alors qu’il en a trente-quatre, il tâche de la retenir dans des « conversations avec maman », parues sous le titre de Contre Sainte-Beuve, où Baudelaire se trouve admirablement commenté.
Ayant traduit Le Scénario Proust de Harold Pinter (Gallimard, 2003), Jean Pavans traite sous forme du script d’un film imaginaire les rapports passionnels de Charles et Caroline, tels qu’ils furent vécus en moments misérables et transmués en poèmes universels.
En deuxième partie, Charles et Marcel est un essai considérant les ressemblances et dissemblances littéraires et morales de Baudelaire et Proust à la lueur de leurs relations avec leurs mères respectives.
Connu pour ses traductions et adaptations de Henry James, dont notamment Les Papiers d’Aspern (Points/Signatures, 2018), Jean Pavans a récemment publié des traductions de Shelley et de Byron, et des essais : Le Musée intérieur de Henry James (Seuil, 2016), Le Christ selon Berlioz (Bayard, 2018), Proust, Vermeer, Rembrandt (Arléa, 2018).