En ces temps de crise et d’instabilité du couple, comment peut-on plaider pour une « stratégie du pire » ?
C’est que le pire, en l’occurrence, peut avoir son utilité.
La vie de bien des couples est ponctuée par des conflits répétés, mais si on les observe de près, on s’aperçoit qu’ils ont aussi une fonction : ils permettent aux deux partenaires de mieux coexister avec des croyances profondes qui les habitent, et dont ils n’arrivent pas à se débarrasser : être persuadé au fond de soi-même qu’on s’efforce d’aimer mais qu’on est toujours abandonné, qu’on voudrait bien compter sur les autres mais qu’ils se dérobent toujours, qu’on tente d’être écouté mais que c’est impossible, etc.
Celui qui est enfermé dans de telles convictions est tout autant geôlier que prisonnier. Non seulement elles limitent pour lui l’horizon des possibles – de ce qu’il perçoit comme de ce qu’il peut faire – mais, sans s’en rendre compte, il emprisonne l’autre dans ce qu’il lui reproche, bloquant ainsi les possibilités d’évolution. Bref, nous participons au problème que nous prétendons vouloir résoudre…, ce qui ne nous empêche pas d’en souffrir !
Dès lors, y a-t-il une voie de sortie ? Laquelle ?
M. E.
L'originalité de l'approche de Mony Elkaïm, qui distingue cet ouvrage des livres pratiques, est de ne pas prôner obligatoirement le changement mais de montrer que la situation du couple telle qu'elle est a aussi parfois ses mérites et que les conflits ont une fonction.
Mony Elkaïm est l’une des figures majeures de la thérapie familiale en Europe. Auteur notamment de Si tu m’aimes, ne m’aime pas (Seuil, 1989 et « Points Essais », 2001), de Comment survivre à sa propre famille (avec Caroline Glorion, Seuil, 2006 et « Points Essais », 2014), et de Où es-tu quand je te parle ? (Seuil, 2014).