Le 30 janvier 1945, un sous-marin russe coule non loin de Dantzig un ancien paquebot de croisière allemand, le Wilhelm Gustloff, qui emporte vers l'ouest des milliers de réfugiés terrorisés par l'avancée de l'Armée rouge. Plus de quatre mille enfants périssent, sans compter les femmes et les vieillards. Seules quelques centaines de fugitifs survivent. Le naufrage du Titanic était peu de chose à côté.
Ce fait historique, refoulé tant par les Allemands, après l'effondrement d'un régime saturé de culpabilité, que par les vainqueurs soviétiques, est la matière, pour l'auteur de la Trilogie de Dantzig, d'un «devoir de mémoire» à retardement. Le 30 janvier, c'est aussi le jour où Hitler accède au pouvoir en 1933, et où naît le «Martyr» qui a donné son nom à l'un des plus beaux fleurons de la flotte de loisir national-socialiste, «flotte de rêve» et symbole d'une «communauté du Peuple» sans classes... Le jour aussi où, dans les circonstances les plus tragiques, vient au monde le narrateur.
Dans un magistral récit «en crabe» dont les zigzags relient générations passées, présentes et à venir, Günter Grass intègre une actualité dérangeante, effectivement brûlante, à la grande mythologie littéraire du Tambour, des Années de chien, du Chat et la Souris, dont certains personnages, indestructibles, hantent encore l'Histoire et le futur.
Cela ne finira-t-il donc jamais ?
Qu'avons-nous fait pour que cela continue ?