Danielle Cohen-Levinas et Antoine Guggenheim ont choisi de privilégier l’analyse des modes d’imbrications entre philosophie, théologie et antijudaïsme. Les trois thèmes qui composent le titre de ce volume supposent d’emblée un quatrième terme : l’antisémitisme. Car, comme l’écrit Jean-Luc Nancy, le mot « antijudaïsme », qui a pu « servir de paravent à l’antisémitisme […], semble destiné à limiter les dégâts en prétendant qu’il s’agit d’une opposition à la religion juive, et non au peuple. Le problème est qu’on ne sépare pas si facilement les deux, même lorsqu’il s’agit de Juifs entièrement sortis de la religion. […] Quoi qu’il en soit, l’antisémitisme n’a été qu’un mot pour baptiser – si j’ose ironiser – ce qu’était depuis longtemps l’hostilité chrétienne envers les Juifs ».
Durant deux millénaires, d’innombrables formes d’antijudaïsme ont pu alimenter les fictions savantes véhiculées par les théologiens et les philosophes. Prenant la mesure de cette pluralité, Danielle Cohen-Levinas et Antoine Guggenheim ont eu raison de concevoir un sommaire interdisciplinaire, sollicitant en outre des auteurs de convictions différentes.
On l’aura compris, ce volume ne résulte d’aucun consensus a priori. Plutôt que d’imposer une somme de conclusions édifiantes, qui s’accordent les unes aux autres, cet ouvrage propose un recueil où, d’un chapitre à l’autre, les options peuvent diverger, voire s’opposer. Ce qui le constitue en « livre-témoin » pour notre temps, éclairant des questions sensibles où, entre savoir et religion, hier comme aujourd’hui, la raison, qui rêve de maîtrise, n’a pas toujours le dernier mot.
Aux lecteurs désormais d’exercer leurs réflexions critiques.
Maurice Olender