Comme dans la nouvelle éponyme d’Henry James, un jeune peintre s’efforce en vain de rivaliser avec une célèbre Madone de Raphaël. Après plusieurs mois de tentatives avortées, un conservateur de musée le trouve, tel le héros de la nouvelle, hagard et désespéré, devant une toile « complètement vierge, craquelée et décolorée par le temps ». Mais plus d’un siècle a passé depuis l’époque de James, et l’avisé conservateur réconforte notre peintre, et le félicite : sa toile intacte et pourtant fatiguée constitue d’ores et déjà un chef-d’œuvre de l’art contemporain. On l’intitulera, comme il se doit, La Madone du Futur.
Cette variation imaginaire illustre bien, cum grano salis, le propos que poursuit Arthur Danto à travers une éblouissante série d’essais consacrés, pour l’essentiel, à l’art de notre temps : Le même objet, monochrome plus ou moins blanc, qu’on aurait autrefois tenu pour la trace d’un échec, peut aujourd’hui valoir pour un superbe accomplissement artistique. Entre James et nous, les critères d’évaluation – et même de définition – de l’art ont plus changé qu’ils n’avaient fait entre Raphaël et James : ils doivent désormais moins à l’appréciation esthétique qu’à l’interprétation historique et philosophique.